L'hyperpop, un macro-genre enfanté par la playlist culture
La musique issue du "macro genre" de l’hyperpop polarise les opinions depuis son émergence en 2013 sur le label PC Music et surtout son explosion lors du confinement de 2020.
Et quelle agression : qualifiée de maximaliste, l’hyperpop est bien plus qu’une hybridation, mais un dépassement des genres, sorte de pop expérimentale poussant les potards à l’extrême et allant puiser tour à tour dans l’eurodance, le dubstep, le gabber, la trap, l’emocore ou bien la chiptune. On pourrait la trouver tout droit sortie d’une IA et pourtant, la musique du mouvement hyperpop prône une authenticité qui pourrait manquer à la musique populaire contemporaine. Le chant, autotuné avec un culot désarmant, est vu comme un instrument à part entière.
Pour le grand public, Charli XCX reste la queen de l’hyperpop (A.G. Cook deviendra d’ailleurs son directeur créatif), mais pour les puristes se partageant des playlists SoundCloud sur des serveurs Discord peu peuplés, mais très actifs, des dizaines d’autres artistes sont dans tous les favoris : Sophie, Dorian Electra, Hannah Diamond, Earth Eater, glaive ou encore Arca.
Des artistes qui s’affranchissent pour beaucoup des règles et des structures, en repoussant les limites de la musique électronique sans pour autant que ce chaos sonore ne devienne du bruit. L’hyperpop explose aussi sa propre bulle : A.G. Cook produit désormais pour Beyoncé et Apple, Laura Les du duo 100 Gecs a vu son morceau "Haunted" utilisé dans la saison 2 de la série Euphoria sur HBO.
La France connaît actuellement sa (re)naissance de l’hyperpop avec oklou, Nömak, Regina Demina, Ascendant Vierge qui, tout aussi influencés par la musique synthétique, insufflent une touche hexagonale à leur musique : on y trouve aussi bien du Mylène Farmer que du Gainsbourg. Mais en lame de fond, c’est une toute nouvelle génération qui s’empare du mouvement. On peut ici évoquer des artistes comme Winnterzuko, Snorunt, oghntr, nyluu ou encore Natha, qui personnifient l’esprit de l’hyperpop mélangé à une culture internet omniprésente.
Pour la plupart nés dans les années 2000, ils se réapproprient le mouvement en évoquant leurs nuits sur des serveurs privés Dofus, Roblox et Minecraft, les no scope sur CS : GO ou la dèche de V-Bucks sur Fortnite. On plonge dans le quotidien de ces artistes qui expriment sans détour leurs doutes et introspections dans un pur esprit emo "new age".
Les mèmes et le gaming sont ancrés dans la culture et ils inondent des lyrics qui font la part belle aux anglicismes.
En 2022, deux ans après l'explosion du genre, son appellation est reniée par une bonne partie des artistes. La raison principale de ce rejet ? S’il est associé au label de PC Music depuis 2014, le terme "hyperpop" a été popularisé par Spotify et sa playlist lancée en 2019 par la curatrice Lizzy Szabo. Depuis, SoundCloud et Apple essaient aussi de s’emparer du mouvement avec leurs propres playlists sur le digicore et le glitchcore.
Ce hold-up marketing va de plus à l’encontre de la nature intrinsèquement queer du mouvement hyperpop. La plupart des artistes qui forgent le succès de ces playlists prônent une déconstruction des genres, littéralement, et trouvent refuge dans un mouvement qui dès sa fondation s’est vu en quête permanente d’identité, et non d’une étiquette.
Qu’on l’appelle hyperpop, glitchcore, digicore, l’appellation n’importe qu’aux journalistes et plateformes, on préfère nous laisser porter par les expérimentations baroques d’un mouvement qui a fait éclore toute une nouvelle génération d’artistes.
Article écrit par Hugo Clery pour Like Fire.