Loudness War : qui a gagné la guerre du volume ?
Depuis les années 60, les artistes et producteurs de musique se livrent une guerre sans merci, celle du volume, ou plus précisément de la “loudness”. L’objectif : proposer un son plus puissant, présent, qui capte davantage l’attention du public. La Loudness War connaît son apogée dans les années 90 avec l'âge d’or du CD jusqu’à l’avènement du streaming. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? La guerre du volume fait-elle encore rage ?
Dans les années 60, alors que les jukebox sont encore légion dans les bars et cafés du monde entier, les producteurs de musique de l’époque font un constat : le choix des utilisateurs se fait sur les morceaux les plus forts, ou plus précisément, enregistrés à plus haut volume. Conscients d’une tendance qui se dessine, les Beatles font l’acquisition d’un outil désormais mythique, le compresseur / limiteur Fairchild, qui leur permettra de concurrencer les artistes de la Motown dans la course au volume qui s’annonce. La Loudness War commence et traversera les décennies.
La compression a été très vite adoptée par des médias comme la radio ou la télévision, qui ont ainsi voulu maximiser l’impact de la musique et de la publicité afin de l’adapter à toutes les conditions d’écoute possibles. La pratique s’est ensuite étendue aux producteurs et ingénieurs de mastering dans les années 90 alors que le numérique domine le marché avec l’arrivée du CD, qui connait son âge d’or. La guerre du volume bat son plein.
Pour ne citer qu’un exemple (et il est célèbre), on ne peut pas éviter le cas Metallica en 2008 et son album Death Magnetic. À sa sortie, les fans déchantent face à une compression bien trop prononcée, provoquant un son moins précis et une saturation de certaines fréquences. Le groupe défendra l’approche de leur producteur Rick Rubin, la jugeant dans l’air du temps et parfaitement adaptée au son de Metallica. Si le rock et le metal font partie des genres intrinsèquement produits pour être joués à haut volume, l’enjeu réside dans la recherche d’un compromis entre loudness et précision du son. L’affaire en serait restée là si des morceaux de l’album n’avaient pas été disponibles sur le jeu Guitar Hero III sorti au même moment. Les titres ayant été envoyés dans des versions décomposées pour les besoins du jeu, ils ne portent plus avec eux les marques d’une compression abusive. Suite à de nombreuses comparaisons, les versions Guitar Hero des morceaux de l’album ont été jugées supérieures à celles de la version CD. Un comble.
L’arrivée, et la domination, des plateformes de streaming comme Spotify, Apple Music et même YouTube a amené avec elle une première solution : la normalisation de ce niveau sonore ressenti. Concrètement, chacune d’entre elle applique un indice de normalisation afin de baisser ou augmenter le volume d’une piste. La plupart de ces plateformes normalisent à une valeur de -14 dB LUFS (pour Loudness Units relative to Full Scale), vous risquez donc une pénalité si vous publiez un morceau qui dépasse cette valeur et inversement, une augmentation de son volume si il se trouve en dessous. L’objectif est simple : égaliser ce volume perçu entre plusieurs morceaux afin de pouvoir enchaîner en toute fluidité le dernier titre de Skrillex avec un classique des Beach Boys, malgré les décennies séparant deux artistes.Cette technologie vient même à résoudre en partie cette guerre du volume : les morceaux les plus compressés affichent ainsi clairement leur limite et leurs artifices, incitant les producteurs et ingénieurs à penser différemment la cruciale phase de mastering. Une claire victoire pour nos oreilles.