Incendie Universal Studios : l’histoire méconnue "du plus grand désastre de l’histoire de la musique"
Le 1er juin 2008, un incendie s’est déclaré au sein des studios Universal dans le nord de Los Angeles, après que le toit d’un des studios ait pris feu suite à une opération de maintenance. Maîtrisé tant bien que mal au terme de 24 heures de lutte acharnée, le feu a touché de nombreux entrepôts du complexe, dont le bâtiment 6197, appartenant à la maison de disques Universal Music Group (UMG pour les intimes). Ce dernier renfermait de précieuses archives, les "masters" de nombreux artistes depuis les années 40. Mais selon les premiers comptes-rendus, l’incendie n’aurait touché aucune archive sensible. Jusqu’au jour où le New York Times a décidé d’enquêter sur l’affaire pour révéler en 2019 que les conséquences du drame étaient bien plus désastreuses qu’UMG l’aurait laissé entendre.
Selon le journal, de très nombreuses pertes sont à déplorer : pas loin de 500 000 morceaux auraient disparu à tout jamais dans les flammes, de l’aveu même d’UMG dans ses rapports confidentiels, contredisant ses propres déclarations publiques. On parle ici d’artistes majeurs de la musique américaine et internationale : John Coltrane, Louis Armstrong, Duke Ellington, Patsy Cline, mais aussi d’artistes comme Nirvana, 50 Cent, Eminem ou encore Elton John. La liste est évidemment immense et contient plusieurs discographies entières. D’un accident malheureux, mais maîtrisé, cet incendie est désormais qualifié de "plus grand désastre pour l’histoire de la musique" par le New York Times. Un accident qui était redouté des années auparavant par l’archiviste du lieu, Randy Aronson, qui selon Le Monde, aurait alerté UMG sur le danger qui pesait sur les précieuses oeuvres : le parc d’attraction Universal Studios et ses nombreux effets pyrotechniques ainsi que le stockage de nombreux explosifs au sein du même bâtiment ont convaincu la société de déménager pas moins de 250 000 cassettes en Pennsylvanie.
Si la portée de l’incendie est telle, c’est qu’il touche à l’essence même de la production musicale : l’archivage des "masters", à savoir le résultat de l’enregistrement d’origine avant sa copie commerciale. Stockés sous la forme de cassettes multibandes (et plus récemment de bandes magnétiques dites "LTO", pour Linear Tape-Open), ces enregistrements sont aussi précieux que fragiles. Ces bandes sont exploitées pour les éventuelles ressorties d’albums et singles, ou encore pour des processus de remasterisation. Il faudra désormais, pour bon nombre de ces artistes, se baser sur une copie qui, aussi élaborée soit-elle, n'égalera jamais l’originale.
Mais plus que des considérations commerciales, la perte de ces masters est un sujet quasi philosophique pour l’industrie. Il s’agit ici de la perte de l’œuvre originelle, celle qui est née dans un studio d’enregistrement, celle qui ne peut plus livrer ses secrets. Alors que les évolutions technologiques nous permettent désormais d’extraire encore plus d’informations de ces masters, leur disparition est à la fois un manque à gagner, mais surtout une perte irrémédiable pour le patrimoine musical de tout un pays. Pour reprendre les mots de Benmont Tench, pianiste au sein du groupe Tom Petty and the Heartbreakers (via LA Times) : "L’enregistrement master est comme une peinture : quand on se tient devant l’original, on se tient en présence de l’artiste."