The beat behind the brands

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QUAND PARIS RÉSONNE AU SON DU SKATE

par @chatoublanc.

La musique est associée au skateboard depuis ses origines ou presque mais sa bande-son a considérablement évolué depuis les prémices du mouvement dans les années 60 en Californie. À l’occasion du Go Skate day et de la fête de la musique, tour d’horizon, non exhaustif, de la musique des casse-cous qui arpentent la ville sur une planche à roulettes.

Beaucoup de cheveux, de vêtements larges, de casquettes, des claquements de planches de skate et des basses qui font trembler le béton, ce vendredi 21 juinn. Nous sommes le premier jour du festival Benchmark à un concours de “tricks” (comprenez des figures acrobatiques). L'enjeu est gros : 3 000 euros. Et le spot, très technique. Alors, au fil des heures, les chemises se trempent et le bitume se tâche de sang mélangé à la bière pour se nettoyer les mains. 

Ce soir-là, pour le commun des mortel·les c’est la fête de la musique. Pour la communauté du skate, c’est le GO skate day. Une date mondiale pour célébrer la pratique. Et pour, en France, mêler deux arts. Cette année, les skateur·euses de Paname ont eu l’embarras du choix pour écouter du son : la suite du festival Benchmark avec ses concerts de rap au Ground Control (Gare de Lyon) par Spotify et Converse, du côté de la butte Montmartre, l’annuelle soirée Vans avec des artistes du label électro Ed Banger, au bord du canal Saint-Martin, un concert par le collectif trans-artistique Hex Post du groupe basque Werewolf Colours Orchestra de fusion punk blues jazz expérimental qui se termine en jam, vers Ménilmontant et un dj set du collectif Macki et de la marque Rave Skate. À cette occasion, Like Fire s’est demandé quelle était l’histoire de la musique dans l’univers du skate.

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PUNK SKATE

Après des débuts balbutiants sur près de trois décennies, et grâce à des progrès techniques matériels et sportifs, le skate devient fin des années 70 un loisir underground qui se rapproche d'autres cultures urbaines revendicatrices comme le graffiti et les musiques alternatives. Si les premiers sons du skate sont le reggae, le ska et la dub, trois styles venus de Jamaïque, les années 80 signent le tournant punk de la discipline. Cette nouvelle culture se diffuse, notamment, par le magazine Thrasher Magazine (créé en 1981) et sa devise « Skate and Destroy ». Mais aussi, via les VHS de skate produites par les fabricants de planche, les champions et passionnés. Les bandes-sons de ses vidéos composent les premières playlists de la communauté et permettent de découvrir de nouvelles sonorités. 

Courant des années 80, alors que le punk hard core est alors style de punk rock dominant dans la plupart de l'Amérique du Nord, des groupes du sud-ouest des États-Unis, comme Suicidal Tendency, adoptent une rythmique distincte et une approche plus mélodique et créent ainsi le mouvement musical iconique de la discipline : le skate punk. Rythme enjoué, mélodies hybrides et esprit festif : cette musique vive et forte semble taillée pour ces jeunes dont la pratique sportive est fortement stigmatisée.

NOFX - Linoleum


1994 est une année clé pour le style punk skate. Trois groupes sortent leur premier album à gros succès :  NOFX (Drunk in Public), Green Day (Dookie) et OffSprings (Smash). Sarcasme et autodérision acérés (voir ode à la connerie), chant et jeu de batterie ultra-rapides, les Californiens apportent un vent de fraîcheur au rock alors principalement dominé alors par le sinistre grunge.


blink-182 - What's My Age Again? (Official Music Video)


À la fin des années 90 et pour la décennie suivante, le punk skate continue de se pop-ifié, et d’enfoncer le clou de son image de bande de copains qui jouent les crétins, avec les groupes Blink-182 et Sum-41. Dans le clip What’s my age again ? (1999), le trio Blink-182 coure à poil dans les rues, vole de la nourriture à l’arrachée, bouscule des serveurs et tape sur le crâne d’un couple… Pour les punks tardifs, si grandir c’est se plier au système alors jouer aux ptits cons est un moyen de lutte. 



ELECTRO SKATE

Malgré l’image punk qui colle à la peau du skate, aujourd’hui, l'événement skate qui revient chaque année lors de la fête de la musique ne diffuse pas du rock, mais plutôt de l’électro. Vendredi 21 juin, Vans organisait, devant la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, sa grande messe annuelle parisienne du skateboard et de la musique. Sur scène, pendant que les plus sportifs enchaînent les tricks, le groupe “d’heavy disco” JUSTICE et le rappeur et DJ Kaytranada (rien que cela) performent.

En France, le label qui a produit Justice, Ed Banger, fondé en 2003, est le symbole du virage électro de la communauté du skate. Son créateur, Pedro Winter, dJ fan de hip hop, d’heavy metal et de rave est lui-même skateur et un grand habitué du Dôme (spot du Palais de Tokyo). Dès ses débuts, le label de french touch (Justice, Cassius, Mr Oizo) mise sur une esthétique proche de celle du skate. Avec le label, de nombreux dj rejoignent les soundtracks des vidéos de skate. 



Parmi eux, l’iconique DJ Mehdi, compositeur du Hip hop français (pour Rohff et Kerry James pour n’en citer que deux) qui rejoint le label en 2006 avec le (superbe) album Lucky boy. Il y mélange habilement break beats, batterie ultrarapide, lignes atmosphériques de l’acid house, riff de guitare électrique rock, voix hip hop, percussions acoustiques et sons de grosses machines.




“Ed Banger est une source d’inspiration énorme pour nous”, affirme Mathieu Troesh, alias Albré. Son collectif de DJ et label Half Pipe, dont il est co-fondateur, a été invité à jouer en B2B avec Pedro Winter (aka Busy P) aux Solidays. Fondé en 2022 par trois skateurs fan de UK garage, Half Pipe se donne pour mission, après deux soirées organisées dans le skate park Casa Nostra en 2023, de “ramener le skate dans le monde de la musique”. Chose promise, chose due, à deux occasions déjà, ils ont déployé leur “halfpipe” (module de sport de glisse en forme de demi-lune) de 80 cm de hauteur sur des scènes de boîtes de nuit parisiennes.
“Visuellement, c’est les personnes qui skatent qui sont les stars, pas celles qui mixent”, explique Mathieu.

Après une première installation en novembre 2023 au Point Ephémère, une seconde en février dernier à la Marbrerie, Half Pipe posera de nouveau son module en juillet prochain au Cabaret Sauvage. En décembre prochain, le collectif occupera pour une nuit l’immense et mythique salle de la Machine du Moulin Rouge. Ce 22 juin dernier, le collectif apportait sa touche break beats et bass music lors de l’after party du festival Benchmark en collaboration avec Like Fire à Fvtvr, quai d'Austerlitz. 

par Sacha Andres.

STREET SKATE

La veille, sur la scène Spotify du Ground Control, c’est plutôt une autre musique des UK qui était mise à l’honneur : la rapide Jersey. Dans la grande ancienne hall de tri postal, les concerts de la rappeuse onirique Mandyspie puis les suisses Mairo et Di-Meh se sont enchaînés. Ce dernier, grand passionné de skateboard depuis son enfance, confie avoir connu la culture rap en zonant au skatepark. C’est d’ailleurs là qu’il filme son premier freestyle ever, toujours disponible sur YouTube (attention il est tout petit, c’est très cute). 


Depuis les années 90 et l’arrivée massive du skate dans la rue, l’univers skate s’est rapproché et mêlé à celui du hip-hop et du rap. Aux Etats-Unis, des artistes comme Nas, Gang Starr et Mobb Deep font alors leurs apparitions dans des vidéos puis dans les BO des premiers jeux vidéo de skate. Plus tardivement, Pharrell Williams, dont le frère est skater professionnel, le très regretté Mac Miller ou encore le très jazzy Earl Sweatshirt déclarent leur amour pour la pratique dans les paroles de leurs chansons.

Lorsque j’ai pensé aux liens entre le skate et le rap en France, ma première image fut celle de ce clip de 2012 des alors très jeunots Nekfeu et Alpha Wann, tourné au Dôme. Pourtant, aucun des deux rappeurs de Monsieur Sable n’est vraiment skateur. Contrairement à leur comparse des débuts, le rappeur, récemment accusé de viol par deux femmes, Lomepal, qui a beaucoup écrit sur le skate. En 2017, il dédie même une chanson de son album Flip à l'athlète star Bryan Herman. La même année, le rappeur belge Isha rend lui hommage à Tony Hawk, autre monument de la discipline, dans une chanson éponyme. 

À l’occasion du Go skate day 2024, la plateforme Spotify a demandé au skateur-star Rémy Taveira de concocter la playlist “Skate Noise Paris”. Parmi les 2h20 d’écoute, beaucoup de cloud rap, pas mal d’électro et un peu d’indie rock. Lors du contest de la Gare de Lyon, c’est ces sons éthériques et planants que les hauts-parleurs diffusent. “Une vibe balade au coucher du soleil avec ton crew de potes”, sourit Matthieu Troesh (Halfpipe Records). Une vibe qui accompagne les mutations de la pratique : depuis les années 2010, la pratique du cruising (ballade) détente a gagné en popularité sur celle des figures. 


Seule chanson de la playlist qui dénote par son énergie punk des débuts du skate : le classique “Fuck le 17” des Sevranais 13 Blocks. Car oui, en 2024 et comme depuis 1962, le skate est toujours considéré par l'État comme une pratique dangereuse et, même si le skate aura le droit à deux épreuves aux JO de Paris, celleux qui rident sur la chaussée comme sur les trottoirs s’exposent toujours à une amende.